Obier Logo Menu

Les grands enjeux de la forêt en France

2023

Éclairage sur les principaux enjeux de la forêt, pour produire des biens dans une démarche responsable.

1. Les chiffres de la forêt française
2. La forêt, un enjeu environnemental
3. La forêt, un enjeu sociologique
4. La forêt, un enjeu économique
Conclusion

Partager cet article :

AUTOUR DU BOIS : POUR DU MOBILIER ÉTHIQUE ET DURABLE EN FRANCE, VERS UNE FORÊT À L’ÉQUILIBRE ?

Pour cette première série d’articles, nous avons décidé d’aborder le sujet de la forêt et des produits forestiers exploitables dans la fabrication de mobilier.
Qui dit « bois », ne veut pas forcément dire « durable », il nous semblait donc intéressant d’apporter quelques précisions à ce propos.
Nous avons pris le parti de décliner ce vaste sujet en 3 articles. Un premier traitant des enjeux de la forêt en termes environnemental, sociologique et économique. Un second exposant les différentes essences de bois massifs français qui peuvent être utilisées dans la fabrication de mobilier écoresponsable. Et un dernier qui traite des différents panneaux de bois qui peuvent être utilisés dans la fabrication de mobilier écoresponsable.

Article 1/3 :

Quels sont les grands enjeux de la forêt en France en 2023 ?

 

La forêt rassemble plusieurs enjeux stratégiques pour notre pays : elle est un refuge pour la biodiversité, elle participe à la qualité des paysages, elle est un puits de carbone, elle est source d’activité économique (tourisme, bois), et enfin participe à notre souveraineté énergétique (via la filière bois énergie).

On comprend facilement que la forêt centralise des intérêts divergents : entre exploitation et protection, bénéfices économique et environnemental.
De plus, elle est confrontée au réchauffement climatique (sécheresse et incendies, insectes et parasites) et son adaptation est un nouvel enjeu à traiter pour conserver ses nombreux bénéfices pour les générations à venir.

Les chiffres de la forêt française

En chiffres, la forêt française est la 4ème plus vaste d’Europe. En 200 ans, elle a multiplié sa surface par 2, en passant de 9,5 millions d’hectares en 1830 à près de 17 millions aujourd’hui (soit 1/3 du territoire de l’Hexagone).
Elle est constituée de 190 espèces réparties en 2/3 de feuillus, et 1/3 de résineux.

Ses principales espèces feuillues sont :
le chêne, le hêtre, le châtaignier, le charme, le frêne, l’érable, le peuplier.
Ses principales espèces résineuses sont : le pin, l’épicéa, le sapin, le Douglas.

source : agriculture.gouv


La forêt, un enjeu e
nvironnemental


La biodiversité

C’est quoi ?
C’est le tissu vivant de notre planète. La biodiversité comprend l’ensemble des formes de vie et leurs milieux naturels, ainsi que toutes les relations qui les unissent.

La forêt est un formidable réservoir de biodiversité quand elle est à son état naturel.
En revanche, son niveau de biodiversité décroît de manière inversement proportionnelle en fonction de son intensité d’exploitation :
👉🏼 D’une exploitation raisonnée en multi-essences avec des coupes en futaie irrégulière (ou futaie jardinée)
👉🏼 Jusqu’à la monoculture intensive en futaie régulière avec coupes rases.

Exploitation raisonnée en multi-essences avec des coupes en futaie irrégulière
Monoculture intensive en futaie régulière avec coupes rases

Préserver la biodiversité est primordial pour maintenir les écosystèmes forestiers, notamment au niveau économique puisque la société dépend de la diversité biologique en tant que ressources multiples.
À ce titre, il existe plusieurs initiatives, gouvernementales ou non, pour préserver la biodiversité forestière : Initiatives gouvernementales / ONF / Association Canopée / et plein d’autres

Vos actions comptent !

Acheter des produits (dont du mobilier) fabriqués à partir de bois local issu de forêts éco-gérées , permet de participer activement à la préservation de la biodiversité.
Vérifiez la provenance de vos produits, pas seulement leur lieu de fabrication mais également la provenance des éléments qui les composent.

Captage du CO2

Source : ONF

La forêt capte le carbone de l’atmosphère par la photosynthèse. Quand son solde est positif elle est considérée comme un puits de carbone. En France métropolitaine le puits de carbone de la filière forêt-bois est estimé à 1/4 des émissions annuelles du pays, soit 130 millions de tonnes éqCO2 par an.

La forêt représente un enjeu stratégique dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le gouvernement a d’ailleurs placé la forêt au cœur de sa stratégie bas-carbone pour atteindre la neutralité carbone en 2050 à travers plusieurs leviers :

  • S’assurer que la forêt continue de croître en améliorant la gestion sylvicole pour adapter la forêt aux effets du changement climatique ;
  • Développer le boisement et réduire les défrichements ;
  • Stimuler une gestion forestière durable, en particulier en forêt privée, pour accroître la mobilisation du bois et le renouvellement des peuplements, tout en préservant le maintien d’une biodiversité fonctionnelle ;
  • Accroître les usages du bois à longue durée de vie, par exemple dans la construction.

Cette stratégie est analysée dans un article de I4CE à lire ici.

« Sur le long terme, une stratégie de gestion durable des forêts visant à maintenir ou à augmenter le stock de carbone en forêt, tout en approvisionnant la filière bois dans tous ses usages à un niveau de prélèvement durable, générera les bénéfices d’atténuation maximum.»
Source : Rapport du GIEC 2019

Vos actions comptent !

Les produits et le mobilier en bois stockent le carbone pendant leur durée de vie.

Privilégiez des produits robustes (en bois massif, plutôt qu’en aggloméré par exemple) qui pourront durer dans le temps, être réparés ou donnés, plutôt que d’être jetés.

Problèmes liés au changement climatique

Le manque d’eau généralisé, provoqué par le réchauffement climatique, impacte la forêt à plusieurs égards :

  • La multiplication des attaques des arbres par les ravageurs avec notamment le scolyte (sur les résineux), décuplées par la monoculture.
  • Les canicules répétées et leurs durées croissantes assèchent les forêts qui deviennent plus vulnérables face aux incendies.
  • Les effets cumulés de l’augmentation des épisodes météorologiques exceptionnels (fortes intempéries) associée à une fragilité croissante des arbres, les rendant moins résistants.

Le réchauffement climatique impacte également la typologie des forêts selon les zones géographiques.

« La population de résineux décroît et remonte en altitude en même temps que les températures augmentent. Le sapin par exemple ne se développera pas en-dessous de mille mètres, ce qui limite fortement les possibilités sur le territoire français. »
Fabrice Poncet, gérant à La Fabrique

Il est primordial d’accompagner la forêt dans son adaptation et sa résilience au changement climatique.

« Le réchauffement climatique évolue plus rapidement que la pousse des arbres, nous sommes donc toujours en retard sur les adaptations à faire quant à la gestion de la forêt. »
F.P.

Les instituts de recherche et de gestion forestières (ONF, INRAE) travaillent sur des solutions pour optimiser les espèces, les modes d’exploitations et les types de parcelles pour limiter l’impact du changement climatique sur la forêt

 

La forêt, un enjeu sociologique

 

Un lien Homme-Forêt

La forêt présente une mixité d’usages parfois contradictoires : la chasse, les randonneurs, les exploitants, les activités de tourisme. Ils peuvent être attribués à des espaces propres : parcs protégés, GR, parcs de ville, propriétés de chasse ou d’exploitations privées, mais doivent souvent cohabiter. Ce qui crée des frictions entre les groupes d’usagers.
L’homme a toujours entretenu un lien avec la forêt et notamment parce qu’elle intègre plusieurs fonctions : 🏭Économique, 🌍 Environnementale, 🙂 Sociale.

D’ailleurs, la prise de conscience des problèmes liés au changement climatique a permis dans le même temps un regain d’intérêt de la population pour la forêt, qu’elle perçoit comme une incarnation de la nature.
Malgré cela, les liens entre la population (majoritairement urbaine) et la forêt, se sont largement distendus. Il convient de créer du lien sur des bases nouvelles qu’il reste à inventer.

La forêt paysage

La forêt a également une dimension paysagère, notamment en France, où elle est très présente. Elle a globalement un rôle récréatif pour la majorité des personnes urbaines. La forêt et ses paysages variés bénéficient néanmoins d’un grand respect de la population, qui la considère à tort comme immuable.

Cette vision figée de la forêt est la conséquence du temps long qui en découle : les arbres mettent plusieurs dizaines d’années avant de constituer une forêt.

« Un exemple concernant la perception du paysage :
Si tu fais une coupe blanche sur un hectare, cela n’a aucun impact sur le grand paysage, par contre pour celui qui habite devant, cela aura un impact visuel fort et il ne l’acceptera pas.

Un exemple concernant la perception du temps :
Un paysan du Morvan, qui serait tombé dans le coma au lendemain de la guerre alors qu’il voyait des prairies, se réveille et n’a plus que des forêts devant lui. On coupe toute la forêt qui redevient une prairie, pour lui ça n’aura rien changé contrairement à l’exemple précèdent.
Donc nous sommes sur des cycles d’exploitation qui nous font croire que les forêts ont toujours été en l’état actuel, alors qu’elles sont bel et bien cultivées »
Fabrice PONCET

La forêt, un enjeu économique

La France, malgré son grand volume forestier (4ème plus vaste en Europe), présente une balance commerciale négative concernant la commercialisation du bois. La filière bois représente même à elle seule près de 10% du déficit commercial total de la France.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état :

  • La configuration de la forêt: Les ¾ de la forêt sont la propriété de particuliers (3,5 millions de propriétaires) qui ne l’exploitent pas. De plus, ce sont principalement les résineux qui sont utilisés dans la construction (secteur en forte demande), mais les surfaces exploitables en France sont majoritairement recouvertes de feuillus (2/3).
  • L’ouverture mondiale des marchés de première transformation (sciage, panneaux, pâte à papier), associée au faible prix du transport maritime ont participé à la délocalisation des capacités de transformation de nos bois à l’étranger.
  • L’augmentation de la demande des pays étrangers :
    En tête, les États-Unis et la Chine achètent des quantités importantes de bois brut, qu’ils transforment dans leurs pays (la transformation étant la partie qui créé le plus de valeur économique). La Chine achète notamment du chêne en France qui se négocie parfois jusqu’à trois fois le prix des scieries françaises.

Concernant l’ameublement :
80 % du mobilier consommé en France provient de l’étranger (principalement la Chine et l’Italie)
Source INSEE

Le bois dans la construction

Le bois d’œuvre (et plus généralement les matériaux bio-sourcés) a été pendant longtemps délaissé dans la construction, au profit de matériaux modernes, bon marché et disponibles en quantité, comme le béton et l’acier.

Mais en raison de l’impact environnemental défavorable de ces produits (le béton consomme du sable et est responsable de 50% des émissions de CO2 dans la construction), les gouvernements incitent à utiliser davantage de matériaux bio-sourcés.

En France, la loi Élan et sa norme RE2020 imposent aux promoteurs et aux constructeurs d’intégrer la notion de « stockage carbone » dans les bâtiments, ce qui favorise entre autres l’utilisation du bois connu pour capter le carbone.

Concernant la provenance de ce bois d’œuvre, la France accuse un retard de développement de sa capacité de transformation du bois et comble seulement 20% des besoins nationaux. Le reste est importé des pays voisins : Allemagne, Autriche.

Les panneaux de bois

Les panneaux de bois sont de plus en plus utilisés ; ils sont consommés pour 50% dans la construction, pour 35% dans l’ameublement et pour 10% dans l’emballage.

Ils sont répartis en 3 familles : Les panneaux contre-plaqués, les panneaux de particules et les panneaux de fibres.

Les panneaux de particules et les panneaux de fibres sont principalement constitués d’éléments en bois recyclé, ou de sous-produits de scierie (sciures, grumes déclassées, petit bois, mobilier broyé, etc.). Pour la fabrication de mobilier ou d’agencement, ils ont l’intérêt d’être bon marché et presque inertes, en comparaison aux bois massifs. Cependant ils sont moins nobles et moins durables.

La France accuse un retard dans la structuration de son industrie du panneau bois, principalement produit en Europe du Nord ou de l’Est, et en Asie.

Le bois énergie

Le bois énergie (bois utilisé dans la production d’électricité ou de chaleur par combustion), est la première source d’énergie renouvelable en France avec 33% de la production nationale.

Le bois énergie provient pour moitié directement de la forêt, il consomme la moitié des prélèvements de bois de la forêt française. L’autre moitié provient du recyclage de produits en bois, en fin de vie.

source : developpement-durable.gouv

Le recours au bois énergie, semble a priori une solution positive et durable pour répondre à la demande en énergie, puisqu’il exploite des gisements déclassés. Cependant la demande croissante de cette forme de bois conduit les industriels à exploiter de plus en plus de forêts. Ce qui impacte la bio diversité, vient en contradiction avec l’objectif d’augmenter le puits de carbone de la forêt, et fait monter le cours du bois de manière globale.

De nouveaux modèles économiques de productions de bois plus responsables

Des solutions existent afin de concilier économie, biodiversité et paysage :

  • La mixité des essences rend la forêt plus résistante et résiliente. Ce mode d’exploitation permet également de sécuriser la capacité économique pour le propriétaire.
  • La futaie « irrégulière » ou « jardinière » permet de lisser les investissements et les revenus dans le temps. A l’inverse, un mode de gestion en futaie « régulière » nécessite de gros investissements de départ pour planter et sélectionner les meilleurs arbres, puis plus rien pendant des années jusqu’à la récolte pour en récupérer les bénéfices.
Source : ONF

Conclusion

« Il y a un équilibre à trouver entre les forêts sauvages abritant une grande biodiversité (celles que chacun aimerait avoir à côté de chez soi), et les forêts destinées à la production de bois de construction.

Il faut un modèle qui préserve la biodiversité et le paysage, tout en exploitant la forêt. Or nous avons bien vu précédemment que mettre en confrontation les deux modèles extrêmes ne peut pas fonctionner. En l’état actuel, les forestiers n’ont souvent d’autre choix que de procéder à une coupe rase, et il faut dans tous les cas faire quelque chose de nos forêts vieillissantes.

Les aider à entretenir et à rendre leurs forêts plus productives par la mise en place de futaies dites jardinières semble être la solution la plus pérenne que nous ayons observée et dégagée.
Alors pourrons-nous peut-être observer une forêt française paysagère et productive d’ici quelques décennies ? »
F.P

Valentin Legon // Théo Synakowski

Crédit Photo : Elliot Beaulieu

Partager cet article :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *